Découverte en Egypte sous les décombres de la Citadelle de Qaïtbay, rapportée en Grande Bretagne, la pierre de Rosette est mondialement connue pour avoir été la clé du déchiffrement des hiéroglyphes par Jean-François Champollion. Cette pierre demeurera pour toujours une icône importante marquant la grande civilisation égyptienne ainsi qu’un témoin sur le génie des Anciens Egyptiens à travers les époques. 202 ans après, à l’occasion de la découverte de la pierre de Rosette, racontons alors son histoire.
15 juillet 1799, l’expédition d’Egypte bat son plein. En quête de gloire, Bonaparte a entraîné ses troupes vers le pays des Pyramides. Son but est avant tout de contrôler la Méditerranée et la route vers les Indes pour s’opposer à la Grande-Bretagne, alors en guerre contre la France. Mais ce projet militaire se double d’une véritable aventure scientifique : derrière les soldats se pressent plus de 167 artistes et savants, qui se livrent à une étude complète du pays. La faune, la flore, les arts, les mœurs : tout est observé, mesuré, étudié.
Dans le village de Rachid ou « Rosette », dans le delta du Nil, l’officier Pierre-François-Xavier Bouchard est chargé de la réfection de fortifications. C’est dans les fondations qu’il met alors au jour une pierre noire, couverte d’inscriptions. L’objet a sans doute été déplacé à cet endroit durant le Moyen Âge. L’officier vient de faire une découverte décisive pour l’histoire et la linguistique.
Bien sûr que cette pierre n’était pas une pierre ordinaire. Elle portait la clé qui a permis de comprendre une langue qui demeurait mystérieuse pour des milliers d’années. A cause de cette pierre, l’humanité a découvert et déchiffré les mystères de la l’ancienne langue égyptienne et d’ici renaît la science de l’égyptologie.
Dans une lettre publiée par la Gazette nationale ou le moniteur universel le 16 janvier 1800, un ingénieur raconte ainsi la trouvaille :
« Parmi les travaux de fortification que le C. Dhautpoul, chef de bataillon du génie, a fait faire à l’ancien fort de Rachid, aujourd’hui nommé Fort-Julien, situé sur la rive gauche du Nil, à 3000 toises du Boghaz de la branche de Rosette, il a été trouvé dans des fouilles, une pierre d’un très beau granit noir, d’un grain très fin, très dur au marteau. Les dimensions sont de 36 pouces de hauteur, de 28 pouces de largeur et de 9 à 10 pouces d’épaisseur ».
Une possibilité qui n’échappe pas aux spécialistes comme aux journaux qui relaient la nouvelle de la découverte. Le 15 avril 1802, le quotidien La Clef du cabinet des souverains écrit dans ses colonnes :
[Les inscriptions] sont parfaitement bien conservées, et il est vraisemblable que deux de ces inscriptions étant conformes pour le sens, quoiqu’en langues différentes, elles ne sont qu’une traduction de la première qui est purement hiéroglyphique, ce qui pourra conduire, par la suite, à l’intelligence des hiéroglyphes.
Après le départ de Bonaparte et la capitulation des troupes françaises, la pierre de Rosette se retrouve parmi les trésors disputés et convoités par la Couronne britannique. Un accord est conclu et la stèle finit par rejoindre l’Angleterre en 1802 puis la collection du British Museum de Londres.
Des copies ayant été réalisées, cela n’empêche pas les savants de plancher sur ces textes et de tenter de reconstituer le puzzle des hiéroglyphes qui ne comporte que quelques pièces à l’époque. Le 23 septembre 1811, la Gazette nationale ou le Moniteur universel se penche ainsi sur la question dans sa rubrique Antiquités :
« Rechercher péniblement l’idiome d’un peuple obscur et condamné à l’oubli, serait sans doute une vaine entreprise ; mais que la langue qui a été écrite et parlée par une nation aussi fameuse, aussi civilisée, soit ignorée entièrement, c’est une lacune dans la philologie, et en quelque sorte une honte pour l’Europe savante ».
« Rien ne pouvait ajouter plus de prix à cette précieuse découverte que celle de la pierre de Rosette […] A l’arrivée de ce monument en Europe, l’espoir de retrouver enfin les langues perdues de l’Egypte s’est ranimé parmi les savants. Plusieurs se sont occupés d’interpréter l’inscription grecque de la pierre, d’autres d’expliquer l’inscription intermédiaire, et même la partie hiéroglyphique ; d’autres enfin ont saisi cette occasion où l’attention du public et des philologues était éveillée sur ce sujet, pour traduire les écrits orientaux qui ont traité de l’histoire et des monuments du pays. »
Des inscriptions en trois écritures
La pierre de Rosette – 1 mètre de haut, 75 cm de large, 28 cm d’épaisseur et près de 760 kg – est un fragment de stèle en granodiorite noire. Mais ce qui apparaît immédiatement comme exceptionnel aux découvreurs, ce sont ses inscriptions.
C’est surtout les gravures que présente le fragment qui attirent l’attention. Y figurent trois inscriptions distinctes séparées en trois bandes parallèles : la première est composée de hiéroglyphes, la deuxième d’un texte en démotique – écriture simplifiée de l’ancien égyptien -, et la troisième de grec ancien.
C’est la première fois qu’une telle pierre est trouvée. Et bien qu’aucun des trois textes ne soit complet, elle affiche un état de conservation remarquable. La stèle est envoyée au Caire pour faire traduire ses “cinquante-quatre lignes de caractères très-fins, très-bien sculptés”, comme le raconte la lettre.
La traduction lève le voile sur la signification des inscriptions :
Elle porte en substance que Ptolémée-Philopator fit rouvrir les canaux de l’Egypte, et que co Prince employa à ces immenses travaux un nombre très-considérable d’ouvriers, des sommes immenses, et huit années de son règne.
Plus précisément, les recherches montrent que la stèle remonte au règne du roi Ptolémée V (entre 204 et 180 avant notre ère) et est gravée d’un décret publié en 196 avant notre ère pour établir le culte du nouveau monarque. La traduction des lignes grecques ouvre rapidement une perspective passionnante : celle que les textes en hiéroglyphes et en démotique aient la même signification. Et qu’ils permettent donc de faire la lumière sur les mystérieux caractères égyptiens.